Cette galerie d'art pas du tout improvisée, voit le jour dans la rue pendant le Festival Folclórico de La Algarroba. Là, le soir, il faut rester immobile pendant un bon moment pour être le personnage vivant d'un tableau grandeur nature. Un challenge qui met en jeu une tradition ancrée ici depuis longtemps, mais qui surtout concrétise un profond besoin d'expression. Une façon de cristalliser les préoccupations de la communauté et des les inscrire dans l'Histoire et le temps.
L’UNESCO vient d'inscrire ces "tableaux vivants" sur sa liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité. Uniques en leur genre à l'échelle de la planète, il s'agit de compositions humaines auxquelles se livrent chaque année les habitants de la petite ville de Galeras, dans le département colombien de Sucre. Cette tradition perdure depuis le 18e siècle !

Car bien-sûr ces compositions ne sont pas faites pour être photographiées (les appareils photos sont récents à l'échelle de cette tradition), mais bien plutôt pour marquer les mémoires.
Des tableaux pour «habiller les rues»
«Habiller les rues», c'est le nom de cette manifestation, un art à elle seule. Alors chaque année, pour la Semaine Sainte et à Noël, les villageois de Galeras cogitent à de nouveaux thèmes qu'ils ont a coeur de mettre en scène, de nouvelles saynètes, de nouvelles compositions. Les tableaux sont bien-sûr religieux, mais les scènes de la vie quotidienne sont également une constante.
Si pendant longtemps on a fait avec les moyens du bord, "Habiller les rues" préparent désormais ses costumes et accessoires bien longtemps à l'avance, à la manière de vrais spectacles. Au point que les lumières elles-mêmes sont savamment travaillées, théâtralisant chaque composition. Le panneau " Galeras, Cuna de Tradiciones" (ou "berceau des traditions") plante le décor : Galeras se voit comme la ville où toutes les traditions ont leurs origines, autour des icônes du Christianisme.
Parmi elles rayonne Nuestra Patrona Inmaculada, l'Immaculée Conception, autrement dit la Vierge Marie préservée du pêché originel, qui est célébrée dans tout le monde hispanique.
Que disent ces tableaux ?
Offrande de légumes au péon qui va nus pieds, paysan qui fait les marchés pour tenter de vivre de son dur labeur, jeune femme qui se fait courtiser, condition des Natifs, figures mythologiques ou bibliques, danses, folklore et musique, ces tableaux expriment en choeur l'identité collective de la communauté. Les scènes du quotidien racontent la condition humaine, le temps qui passe et le rapport à Dieu.
Ces dimensions existentielles sont d'autant plus ancrées dans cet art, et donc dans le réel, que ce sont les façades des maisons des villageois qui servent de fond aux différents décors. Tout le monde met la main à la pâte, les enfants comme les aïeuls.
Pourquoi une inscription au Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité ?
Les tableaux vivants de Galeras se veulent un symbole de foi, d'art et de créativité. Au plan sociétal, l'Unesco souligne que les tableaux vivants de Galeras constituent un puissant outil de communication et de mémoire collective, reliant l’art à la vie en même temps qu'un univers fascinant de créativité et de réalisme magique. Si des compositions impliquant des personnes immobiles existent depuis l'Antiquité, les "tableaux" de Galeras sont uniques en leur genre dans le monde hispanique où il n'en existe pas de déclinaisons.