Les Cathares, entre lieux sacrés et fantômes

Au XIIème siècle, on parle la langue d’Oc au sud de la Loire. L’Eglise romaine, qui parle le latin et siège à Rome, est perçue comme étrangère. Sans compter que le Pape Innocent III interdit aux provençaux la possibilité d’une Bible écrite dans leur langue, l’Occitan; plus exactement, il interdit toute traduction de la Bible en patois. Et les Languedociens jugent les dogmes de l’Eglise détachés de la parole christique.

C’est sur ce terreau que le paulicianisme, religion chrétienne d’origine arménienne, arrive en Lombardie après un passage en Bulgarie, pour finalement irriguer le Languedoc. Les Languedociens se laissent imprégner de cette foi qui fait la part belle à l’enseignement du Christ - qui seul leur importe - et qui rejette de nombreux dogmes ecclésiastiques. Ils se considèrent “bons hommes” et “bonnes femmes”.

Les désaccords avec l’Eglise sont en effet profonds. Les Cathares considèrent que Dieu est absent du monde ici-bas (sinon, le Mal n’y serait pas), respectent les animaux (ils sont volontiers végétariens), croient en la réincarnation, refusent la guerre, réfutent l’Enfer et contestent les sacrements de l’Eglise romaine. Cela fait déjà beaucoup.

Mais ce n’est pas tout: ils ne voient pas l'intérêt des lieux de culte puisque le Saint-Esprit est partout et que la parole du Christ peut être dite en tout lieu. Ils réprouvent la propriété privée alors que l’Eglise est le plus grand propriétaire terrien de la planète. Ils pratiquent l'ascétisme alors que le Vatican vit dans l’opulence. Bref, ils estiment que l’Eglise trahit la pensée du Christ. On fait mieux pour communier.

De leur côté, les seigneurs locaux pactisent avec les Albigeois et les châteaux de la région de Carcassonne sont tous ralliés à la cause cathare. L’Eglise, qui se sait menacée depuis qu’une assemblée cathare s’est réunie à Saint-Félix-de-Caraman en 1176 pour organiser son culte, n’entend pas se laisser faire. Elle déclare “ hérétique “ tout languedocien qui s’oppose à ses dogmes. Les Cathares viennent d'être caractérisés et désignés comme ses ennemis.

En 1209, l’armée du roi composée de 6000 soldats et de pillards chasse les villageois hors de Carcassonne. Ainsi débute la croisade contre les Cathares, nommée Croisade des Albigeois, qui durera 20 ans et fut le sinistre prélude à l’Inquisition. L’année suivante, les 600 cathares qui refusèrent d’abjurer furent brûlés.

En 1229, l’Inquisition prend aussitôt le relais et durera un siècle, modifiant à jamais le visage des campagnes par un dépeuplement spectaculaire et par la chute de châteaux cathares qui ne s’en relèveront jamais: les quatre forteresses de Lastours à Cabaret, près de Carcassonne, Queribus, Saissac, Lapradelle Puilaurens, Termes, Villerouge-Termenès ou encore Puivert.

Les Consuls de Carcassonne alertèrent le Pape de la désertification de régions entières de l’Occitanie, l’Inquisition poussant les populations à carrément quitter le pays. De la chute de Montségur en 1244 jusqu’à la fin du XIIIe siècle, beaucoup partirent s’installer en Corse et en Espagne, mais aussi en Italie, en Sicile et particulièrement en Lombardie, où le paulicianisme était toujours actif.

Les derniers cathares furent réputés massacrés en 1321 au château de Villerouge-Termenès. 800 ans après leur disparition, les Cathares sont toujours présents à Carcassonne, à la manière d’une légende, bien que défaits par la double répression des Croisades et de l’Inquisition, du Royaume de France et du Clergé.

Au terme de la croisade des Albigeois, le roi reprend le pouvoir et instaure une sénéchaussée à Carcassonne pour défendre l’ordre et ses intérêts. C’est ainsi qu’entre 1226 et 1245, le sénéchal, le maire de l’époque, transforme la cité médiévale en citadelle fortifiée afin de prévenir, à l'avenir, toute invasion ou prise de pouvoir venue de l’extérieur.

Une seconde enceinte, flanquée de tours rondes (les tours gallo-romaines sont en forme de fer à cheval), souvent basses et sans toiture, est érigée. C’est à Viollet-le-Duc que l’on doit, au XIXème s., les toits en ardoises tels qu’ils existent aujourd’hui.

L’église Saint-Nazaire, érigée au XIème siècle au sud de la citadelle, dans le pur style roman, a connu les Cathares et a hébergé leur culte. Classée Monument Historique, elle a été remaniée au XIXème siècle par Viollet-Le-Duc grâce à qui elle a pu être faite basilique en 1898.

Bien que n’étant pas d’origine, on peut voir dans ses vitraux centrés sur la vie du Christ un témoignage historique du clivage entre le culte cathare qui essentialisait la doctrine de Jésus et le catholicisme de l’époque qui se résumait à un pouvoir politique. C’est une ancienne cathédrale.

Son orgue datant du XVIIème s., est classé monument historique depuis 1970. La basilique est elle-même classée au titre des Monuments historiques en 1840.