C'est l'histoire de deux constructions humaines qui chamboulèrent à jamais le visage d'un fleuve vital et d'un pays. En aval immédiat de la première cataracte du Nil, célèbre aussi bien pour ses deux barrages que pour l'île Eléphantine, Assouan est le lieu où le fleuve nourricier de l'Egypte connu certaines de ses plus belles heures et surtout ses plus grands bouleversements. De cette histoire et de cette géographie chaotique, naissent certains des paysages les plus splendides d'Egypte, à commencer par le spectacle des felouques qui naviguent paisiblement entres les îles de granit au pied du vénérable hôtel Old Cataract. Peuplé dès les prémices de l'antiquité égyptienne, le site de l'actuelle Assouan correspondait à la porte de la Nubie qui s'étendait de la première à la quatrième cataracte du Nil.

Mais ce qui chamboula le paysage furent, beaucoup plus récemment, les constructions des barrages sur le Nil, un premier en 1902, surélevé à deux reprises durant la première moitié du 20e siècle, puis le dédoublement, avec la construction du second barrage, équipé d'une centrale hydroélectrique, en 1970, sept kilomètres en amont du premier. Entre les deux, un chapelet d'îles subsiste sur le fleuve dompté, dont celle d'Aguilkia qui accueille les ruines des temples de Philae, lieu de culte et ville antique qui se tenait sur une île du fleuve, submergée par la montée des eaux. Le site qui se visite aujourd'hui a été reconstruit à partir des ruines déplacées en 1974. Les barrages créèrent le lac Nasser et modifièrent à jamais le visage de l'Egypte qui vivait jusque-là invariablement au rythme des crues et décrues du Nil, vitales et destructrices. Des ouvrages d'ingénieurs menés par une volonté politique, symboles d'une entrée du pays dans l'ère moderne.